Ce travail est en voie de publication à la Revue STAPS. Par conséquent, il répond aux exigences de la publication scientifique. Il se propose d’étudier à partir d’entretiens avec des gardiens de but de D1 leurs stratégies dans l’activité de parade.

Mots-clés :

Préparation, prise de décision, transposition didactique, handball, gardien de but.

Key Words :

Preparation, decision-making, didactical transposition process, handball, goalkeeper.

Résumé :

L’identification des savoirs d’experts est à la source du processus de transposition didactique. L’activité perceptive et décisionnelle du gardien de but lors de sa parade est centrale pour permettre une performance de ce joueur. A partir d’une catégorisation thématique réalisée sur des retranscriptions d’entretiens effectués auprès des meilleurs gardiens de but français et de quelques rares documents écrits relatant l’expérience de joueurs internationaux allemands, cette étude met en évidence que la gestion de la motricité de ces joueurs est à la fois réalisée selon les modes réactifs et prédictifs. D’autre part, les gardiens se préparent à l’action en prélevant des indices perceptifs sur le tireur avant l’avènement du duel. Au cours de ce duel, les informations traitées sont essentiellement celles recueillies par la voie extéroceptive sur l'état et les possibilités encore ouvertes de l'ensemble Tireur - Ballon.

 

Abstract :

The didactical transposition process is based on identification of experts skills. Perceptive and decisional activity of the goalkeeper during his parade’s action is essential to allow the performance of this player. This survey is carried out from thematic categorization of interviews of best the best goalkeepers in France and a few writings on the experience of international German handball players. The study reveals that management of these player’s motricity is made from a both reactive and predictive system. On the other hand, before confrontation, goalkeepers prepare themselves to act by identifying perceptive signs on the shooter. During this confrontation, the handled information is essentially the one collected by exteroceptive ways about the state and possibilities which are still open concerning the pair shooter-ball.

 

Introduction

Costantini (1994, 29 ), remarque que

le rapport de force tireur-gardien tourne souvent, dans notre handball, à l’avantage du deuxième. Férignac, Sellenet, Varinot, Boulle, Médard, Pérez, Thiébaut ont remarquablement défendu notre réputation. Gaudin et ses prétendants sont parfois efficaces voire brillants mais il n’en demeure pas moins que les Basic - Lukic - Mladenovic - Djorjic - Lavrov et autres Tchoumak dispensent consciencieusement leur leçon aux tireurs français à longueur de week-end. " Comme il est généralement considéré que ce joueur occupe une large place dans la performance de l’équipe, l’enjeu d’améliorer le processus d’enseignement-apprentissage est de taille. Pour cela, notre objectif va être de mettre en évidence quelques savoirs d’experts afin de faciliter le processus de transposition didactique (Chevallard, 1991) permettant ainsi aux enseignants, aux entraîneurs d’effectuer le passage de ces savoirs d’experts aux contenus d’enseignement puis aux savoirs enseignés. Pour cela, il sera effectué, dans un premier temps, une revue des études théoriques pouvant se rapporter à l’activité de parade du gardien de but. Ceci permettra la préparation des entretiens des experts français à partir desquels seront mis en évidence leurs savoirs. Ceci étant réalisé, il sera alors envisagé d’en montrer les limites, les éventuelles faiblesses et de fournir quelques pistes permettant d’élaborer des contenus d’enseignement.

 

1. Etudes théoriques de l’activité de parade

    1. Une tâche d’anticipation-coïncidence

La tâche du gardien de but dans son activité de parade est d’empêcher le ballon lancé par le tireur adverse de rentrer dans la cible verticale de trois mètres sur deux. Le gardien doit donc effectuer une tâche d’anticipation-coïncidence (Belisle, 1963) pour se retrouver sur la trajectoire de la balle. En effet, celle-ci consiste à

"déterminer les caractéristiques spatio-temporelles de la trajectoire d’un mobile (date et lieu d’arrivée) de manière à produire une réponse motrice permettant d’entrer en coïncidence avec lui. Ce type d’habileté repose sur un dialogue perceptivo-moteur modulé par les contraintes spatio-temporelles de la tâche." (Laurent et Montagne, 1992, 211).

Sur un plan perceptif, cette habileté nécessite des systèmes de détecteurs de mouvement. Gregory (1966) a mis en évidence deux de ces systèmes de détection :

Avec celui-ci, l’œil est fixe et le mobile se déplace sur la rétine immobile. Il donne d’après Beaubaton et Paillard (1978) des informations sur la vitesse du mobile par l’intermédiaire des récepteurs rétiniens périphériques.

Dans celui-ci, l’œil et /ou la tête bougent pour garder une image stationnaire du mobile sur la région fovéale. Selon ces auteurs, ce système facilite la localisation égocentrée du mobile grâce à l’utilisation des réafférences proprioceptives en provenance des muscles extra oculaires et des propriocepteurs nuquaux. Il permet aussi l’évaluation de la vitesse de déplacement de l’objet à partir de la copie d’efférence issue de la commande envoyée aux segments oculaires et céphaliques engagés dans la poursuite.

Laurent et Montagne (1992) montrent que ces deux systèmes interagissent avec les informations visuelles utilisées. Le type d’information visuelle utilisée par les joueurs est fonction des positions successives occupées par le regard en relation avec le mobile, donc du système de détecteur de mouvement. L’utilisation par le sujet de l’un ou l’autre des systèmes détecteur de mouvement est fonction du temps de prélèvement de l’information. En effet, lorsque ce temps est inférieur à 245ms seul le système image-rétine peut être utilisé. Entre 245 et 365ms les deux systèmes sont aussi efficace l’un que l’autre. Au-delà de 365ms le système œil-tête est plus performant. En conséquence,

"contrairement à l’idée généralement admise dans les sports de balle, " suivre la balle des yeux " n’est pas forcément la stratégie la plus adaptée. Les contraintes temporelles auxquelles le sujet doit faire face doivent donc dicter le type de stratégie à adopter. " Laurent et Montagne (1992, 221).

Latiri et Ripoll (1991, 113) précisent même que la vision du stimulus (le ballon pour le gardien de but)

"est nécessaire au moins jusqu’à 24msec avant d’atteindre la cible."

    1. Un environnement à fortes contraintes temporelles

Dans la situation du duel tireur-gardien, le temps mis par la trajectoire de la balle pour atteindre la cible est souvent très réduit. La pression temporelle, c’est à dire le rapport entre le temps requis et le temps disponible pour produire la réponse, est donc souvent très forte. Grâce à la méthode de chronométrie mentale, Posner (1978), dont la principale variable dépendante est le temps de réaction, nous allons pouvoir problématiser la situation.

Avec cette méthode, le temps total nécessaire au sujet d’atteindre l’objectif requis comporte deux composantes et une période préparatoire :

Quand le gardien de but va-t-il devoir déclencher sa réponse pour lui permettre de rentrer en coïncidence avec la balle ? Avant, au moment ou après le déclenchement du tir ?

Cottin (1989) a mesuré la durée des trajectoires de tirs en suspension à 9 mètres de la cage réalisés par des internationaux français spécialistes de ce genre de tirs. En moyenne, la durée des trajectoires était de 309 et 337 ms en fonction de la liberté laissée au tireur quant au choix de son impact. Ce temps accordé a obligé les trois gardiens (tous internationaux A en exercice) qui ont participé à cette expérience à avoir un temps de réaction global (TRG : abaissement du centre de gravité du corps sans déplacement latéral) de 43ms (en moyenne des trois gardiens) avant le début de la trajectoire. Selon Cottin (1989, 73)

"le TRG ne permet pas de savoir si le gardien de but a préparé une parade particulière. L’abaissement du centre de gravité du corps peut donc être compris comme un ajustement postural qui concrétiserait une préparation à court terme non spécifique du mouvement de parade spatialement orienté."

Ainsi, ce temps accordé est inférieur au temps requis pour que le gardien de but puisse utiliser les seules informations données par la trajectoire de la balle pour réagir, élaborer puis adopter un comportement adéquat. Proteau et Dugas (1982), Proteau et Laurencelle (1983), Proteau , Teasdale et Laurencelle (1983), Proteau, Teasdale, Laurancelle, Levesque et Girouard (1987) ont montré un effet de la réduction du temps accordé sur la vitesse de réaction.

Le temps de mouvement dépend des qualités physiques du gardien et n’est modifiable que modérément par l’entraînement. Cottin (1989,148) a pu relever

une extrême vitesse des mouvements segmentaires des gardiens de but de handball qui se traduisent par une durée d’exécution très courte de 220ms environ et identique pour les mains et les pieds." Les résultats fournis par cet auteur montrent que

la mise en action de propulsion des segments corporels vers le ballon se réalise quand celui-ci a effectué le premier tiers de la durée totale de sa trajectoire. " Cottin (1989, 152).

Le gardien de but prépare donc son action avant le déclenchement du tir. Requin (1978, 86) définit la préparation comme

" un processus à court terme d’adaptation aux exigences qu’imposent des changements plus ou moins probables du milieu. Elle s’exprime par la mise en place aux différents niveaux du traitement de l’information sensori-motrice d’ajustements destinés à augmenter l’efficience de la réponse qu’exigera un évènement spécifique." Bonnet (1982, 162) précise que

"d’un point de vue opérationnel, pour que des processus soient considérés comme préparatoires à une tâche ultérieure, il ne suffit pas qu’ils surviennent avant. Il faut qu’ils satisfassent de plus à deux critères :

- qu’ils soient spécifiques, c’est à dire que ces processus préparatoires soient adaptés à la connaissance que le sujet a des paramètres de la tâche et qu’ils varient en fonction de l’information préalable fournie au sujet;

- qu’ils soient prédictifs, c’est à dire qu’ils varient avec le niveau de la performance réalisée, en vérifiant ainsi l’hypothèse de base selon laquelle le niveau de préparation détermine le niveau de performance."

Pour Proteau (1980), Proteau, Leroux, Levesque et Girouard (1986), cette pression temporelle pousse le sujet à adopter des comportements plus risqués. Ce risque est en relation avec la notion de probabilité subjective développée par Withing (1979). Cette probabilité subjective du joueur est à la base du déploiement stratégique de ses comportements. Pour Proteau (1977), la connaissance des probabilités influence la stratégie de la réponse en permettant d’améliorer la vitesse de réaction (l’amorce de la réponse). Toutefois, Alain et Proteau (1977, 1980), Proteau (1977) ont montré que le sujet ne différencie l’équiprobabilité ou la non-équiprobabilité d’une situation dichotomique qu’à partir d’une différence de fréquence entre les deux évènements aussi grande que 0,7/0,3. C’est pourquoi il apparaît nécessaire d’objectiver ces différences de probabilité d’apparition de tel ou tel événement.

Temprado (1989, 59), dans une revue sur ces questions, précise que

" le fait que les sujets perçoivent les différences de probabilités à partir d’une différence de fréquence de l’ordre de 0.7/0.3 les conduit à modifier leur stratégie et répondre plus rapidement à l’événement le plus probable lorsque celui-ci est présenté. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils répondent plus vite (en valeur absolue) à un événement de probabilité 0.7 qu’à deux évènements équiprobables." Pour savoir le degré de probabilité d’apparition d’un événement qui entraîne une augmentation de la vitesse de réaction, il faut se référer à Alain et Proteau (1977-1980), Proteau (1977), Regnier et Salmela (1980). Ceux-ci ont montré que dans une situation de choix dichotomique, il est nécessaire d’enregistrer une différence de probabilité des évènements de 0.9/0.1 pour provoquer une réaction plus rapide des sujets que dans des conditions équiprobables. Toutefois ces résultats sont en partie discutés par ceux de Cottin (1989). En effet, cet auteur a présenté aux gardiens une tâche de déplacement vers une des cibles situées au quatre coins de la cage en fonction d’une indication sur un panneau lumineux placé devant le gardien. Cette tâche était réalisée soit en condition équiprobable (0.25 pour chaque cible), soit en condition primée (0.70 pour une cible particulière).

Les résultats montrent des temps de réaction significativement plus courts en condition primée qu’en condition équiprobable. De plus,

"lorsque le gardien sait qu’un mouvement de parade a une forte chance d’être requis, il prépare préférentiellement le mouvement segmentaire correspondant. Le bénéfice tiré de cette préparation ne semble pas s’accompagner d’un coût si la réponse requise n’est pas la réponse initialement envisagée." Cottin (1989, 75). C’est pourquoi,

"en attente de réalisation d’une parade, le gardien de but à tout intérêt à prendre le risque de prévoir une localisation particulière de sa parade plutôt que de considérer toutes les localisations possibles comme équiprobables." Cottin (1989, 84). Cet auteur précise même que

"la préparation profite plus aux pieds qu’aux mains. (…) On peut donc parler d’une préparation spécifique des comportements segmentaires." Cottin (1989, 76). Sil il est donc admis qu’il existe une préparation à l’action pour répondre aux exigences de la tâche, Alain et Sarrazin (1985 - 1990) en ont montré les caractéristiques sélective et l’ont modélisé à partir de trois états distincts :

Quels types de préparations sont utilisés par les gardiens experts ?

Cette préparation à l’action se traduit par un comportement spatialement orienté du gardien. Ce comportement serait, d’après les travaux de Alegria, Henneman et Keller (1979) et de Keller, Goetz et Henneman (1987), déterminé par des indices extraits de l’activité du tireur. En effet ces auteurs ont comptabilisé, sur des jets de 7 mètres, que le gardien était parti dans la bonne direction dans 89.21% des cas. Ainsi, le choix du gardien dans son orientation spatiale ne serait pas prédéterminé. Deridder (1985), toujours sur jets de 7 mètres, a semblé mettre en évidence que le bras porteur de balle représente une zone informative pertinente puisque les indices repérés sur cette surface sont susceptibles de lever en partie l’incertitude spatiale dans laquelle se trouvent les gardiens. Des travaux (Jones et Miles, (1978) en situation de service de tennis ; Salmela et Fiorito (1979) en hockey sur glace; Abernethy (1982) et Abernethy et Russel (1984) en cricket) utilisant des techniques de " film occlusion " qui consiste à projeter une séquence d’une action ou d’un geste sportif en l’interrompant au moment choisi, ont mis en évidence un début d’action de la part des receveurs avant le début de la trajectoire. Il est donc bien montré la nécessaire prise d’indices sur l’activité de l’attaquant.

Sur un plan plus général, plusieurs auteurs, parmi lesquels Yarbus (1967), Mackworth et Morandi (1967), Noton et Stark (1971) et Lévy Schoen (1972), ont mis en évidence l’existence de centrations visuelles sur certaines zones qualifiées d’informatives car pertinentes vis à vis de la décision à prendre. Bard (1982) en hockey sur glace et Deridder (1985) en handball, ont montré que les gardiens avaient des centrations visuelles différentes suivant leur degré d’expertise permettant aux meilleurs d’avoir un temps de réponse significativement plus réduit que les débutants.

Par conséquent, les choix effectués par le gardien de but à propos du moment où il va déclencher son action et de l’endroit vers lequel il va la diriger, ne se font pas au hasard. Ils résultent du décodage de la situation de duel. Maschette (1980), signale que dans une recherche de performance, pour gagner du temps, le joueur doit tenter de déplacer ses recherches d’informations toujours plus avant dans le comportement moteur de son adversaire. Cette reconnaissance d’un indice précoce à l’intérieur d’une séquence comportementale pourrait, d’après (Abernethy, 1987), fournir au sportif une information telle que tous les évènements qui suivent cet indice particulier deviennent redondants, et par définition, ne véhiculent plus d’incertitude. Par conséquent, un signal précoce dans une séquence gestuelle invariante prend une importance semblable à un indice critique plus tardif. Toutefois, Alain et Temprado (1993, 57), au niveau du défenseur en sport de raquette, montrent que la préparation des joueurs ne dépend pas uniquement de facteurs internes à la tâche. En effet,

"d’autres paramètres comme le score, l’enjeu ou la fatigue peuvent influencer le choix de l’état de préparation. Dans ce cas, ce choix dépend de la valeur d’utilité assignée à chaque option. La valeur d’utilité subjective représente l’intérêt, pour le joueur, de choisir une des options comte tenu du contexte dans lequel il se trouve. Suivant le principe de maximisation de la valeur d’utilité, la valeur de rendement attendu de chaque option serait pondérée par son utilité subjective." Qu’en est-il pour le gardien de but ? Quelle logique externe lui permet d’orienter la programmation de son action ?

1.3. Stratégies de décision des experts

L’activité de l’expert est caractérisée, d’après Leplat (1988) par un haut degré d’automatisation. Toutefois, Billi, Esposito et Garbarino (2001, 50) indiquent que

"face à des environnements dynamiques, le sujet doit régulièrement réorienter son activité ; cette réorientation, en particulier lorsque les situations imposent la résolution d’un problème tactique, est susceptible d’engager une activité contrôlée." Ils définissent l’activité d’orientation en reprenant les travaux de Bouthier (1988), comme l’ensemble des opérations cognitives permettant au sujet, en regard de l’évolution permanente du jeu, d’identifier les états de l’environnement, leurs évolutions probables, et de se fixer les buts qui déclencheront et guideront les actions pour y répondre. Hoc et Moulin (1994) précisent la répartition entre activité contrôlée et automatisation. Pour ces auteurs, lorsque l’environnement est à la fois fluctuant et rapide, ce qui est bien le cas du gardien de but dans son activité de parade, l’activité contrôlée tend à se concentrer avant l’action tandis que l’orientation pendant l’action tend à s’automatiser. Pour Garbarino (1997), lorsque l’environnement est instable mais présente avec une certaine régularité des situations qui se ressemblent (types de tirs par exemple), le sujet tend à les assimiler à une seule situation schématique et typique. Il nous semble particulièrement intéressant de mettre en évidence quand et comment le gardien de but utilise ces différentes situations typiques.

Les caractéristiques du duel tireur-gardien rejoignent celles présentées dans les activités de sports de raquettes. Dans cette situation on ne peut réduire le joueur qui a " l’initiative de la production d’incertitude " (le tireur) à un rôle d’acteur et celui qui est " en attente " (le gardien de but) à un comportement réactif. Paillard (1990), a mis en évidence les fonctionnements neurophysiologiques de ces deux types de gestion de la motricité.

Proteau, Teasdale, Vachon et Moisan (1982) ainsi que Proteau et Laurencelle (1982), montrent que l’un des joueurs est en attente de l’événement que va proposer l’adversaire. Ainsi, les processus et les stratégies de décision fonctionnent comme réduction et gestion de l’incertitude. En psychologie du travail, Amalberti (1991) et Amalberti et Deblon (1992) ont mis en évidence que les pilotes de combat évitent les situations où ils devraient agir sur un mode réactif, et développent des stratégies pour faire apparaître des situations auxquelles ils se sont antérieurement préparés. Cela leur permet des gérer des processus rapides. Hoc et Moulin (1994, 527) concluent que

plus le processus s’accélère plus les activités de planification vont se regrouper vers le début de l’exécution, et plus les plans seront précis pour fournir des cadres opérationnels à une activité procéduralisée qui réponde aux contraintes de temps." Ainsi, par son comportement le gardien orienterait la forme et/ou l’endroit du tir de son adversaire. Ce fonctionnement est-il systématique ? Sinon, quelles sont les conditions qui permettent sa réalisation ? Comment les gardiens s’y prennent-ils ?

1.4. Modélisation de l’activité de parade du gardien de but

À partir de leurs expériences de joueurs, de formateurs, d'observateurs impliqués dans le système de la haute performance, Paolini et Portes (1990), ainsi que Portes (1991) ont modélisé l'activité du joueur de handball en général et celle du gardien de but en particulier dans son rôle de défenseur. D’après ces auteurs, le problème fondamental du gardien de but consiste à déterminer comment structurer le système constitué par :

- la cible; - l’ensemble tireur-ballon; - le gardien et les défenseurs; pour, dans le même temps assurer la couverture maximale de la surface-cible, et créer les conditions optimales pour l'interception des trajectoires percutant une des parties de cette surface laissées vulnérables.

Quatre exigences sont à satisfaire pour résoudre ce problème fondamental.

Celles relatives à :

- l’organisation mécanique des trajets et trajectoires corporels et segmentaires;

- l’investissement énergétique;

- la gestion de l’activité perceptive et décisionnelle;

- la maîtrise de l’affectivité.

Parmi les quatre exigences présentées par Paolini et Portes (1990) pour résoudre le problème fondamental du gardien de but, c’est celle relative à la gestion de l’activité perceptive et décisionnelle, qui semble être la plus à même d’apporter des éléments de réponses pour résoudre le problème de la préparation à l’action.

Or force est de constater dans la littérature spécialisée, que la quasi-totalité des articles qui traitent du gardien de but, (Arslanagic, 1988; Chiffray, 1987; Férignac, 1962; F.F.H.B., 1972; Godard, 1990; Kaesler, 1978; Paccoud, 1990; Pérez et Thiébault, 1993a; 1993b; 1994a; 1994b; Pérez, 1995, Verdon, 1992; etc...) sont uniquement centrés sur l’acquisition de l’exigence relative à l’organisation des trajets et trajectoires corporelles et segmentaires. Certes, on peut supposer que parmi ces comportements quelques constantes émergent. Mais s’en tenir à celles-ci, c’est faire abstraction soit de la prise d’information du joueur et de sa signification, soit des diverses intentions du gardien ou des deux en même temps.

1.5. La gestion de l’activité perceptive et décisionnelle

Pour Paolini et Portes (1990), l’activité perceptive du gardien de but est définie par quatre sources d’informations :

- celles recueillies par la voie extéroceptive sur l'état et les possibilités encore ouvertes de l'ensemble "Tireur - Ballon":

- celles recueillies par la voie proprioceptive sur son état et les possibilités encore ouvertes de projection de telle ou telle surface corporelle:

- celles préalablement mémorisées sur les tendances, points forts et faibles du tireur, et les résultats des duels précédents:

- celles produites par sa représentation de l'état de l'ensemble "gardien - cible" vu par le tireur.

 

2. Entretiens avec les gardiens experts

2.1. Méthode

2.1.1. Participants

Il était nécessaire de trouver un échantillon représentatif du secteur de performance de la fédération française de handball. Nous avons choisi des joueurs avec lesquels nous pouvions aisément rentrer en contact par nos relations. Cinq d’entre eux pratiquent encore en première division, les deux autres ont arrêté depuis peu et possèdent une importante expérience internationale. Le tableau n°1 présente les interviewés.

Initiales des Noms :

Initiales des Prénoms :

Expérience :

A.

M.-O.

International Espoir, six années en D1 à l’U.S. Ivry

L.

C.

International Junior & Espoir, a joué à Gagny, Créteil, Pontault-Combault, Massy (tous en D1).

L.

P.

En D1 à l’A.C.Boulogne-Billancourt depuis six ans.

M.

P.

International A, médaillé Olympique en 1992, plusieurs fois champion de France.

P.

D.

14 années en D1 à l’U.S. Créteil.

S.

A.

Actuellement au PSG, à Massy en D1 lors de l’entretien.

S.

L.

11 années en D1, champion de France avec St Maur.

Tableau 1 : Les interviewés

2.1.2. Procédure de recueil des données

Des entretiens semi-directifs (Blanchet et Gotman, 1992) ont été utilisés. Chaque joueur a réalisé un entretien d’une période moyenne de quarante cinq minutes. Ces entretiens se sont déroulés dans des conditions environnementales et procédurales (guide d’entretien) sensiblement identiques. Seul à différer le jour des interviews dans la semaine. Elles se sont effectuées en fonction des disponibilités des gardiens. Les entretiens se sont déroulés en trois parties. La première a trait à la préparation du match. La seconde s’attarde à la construction du gardien de but, sur son vécu, son expérience. Enfin, la troisième est relative au duel en lui-même lorsqu’il se réalise. En début de chaque entretien, l’interviewer insistait bien pour que le sujet fasse appel à son vécu, à la manière dont il ressentait, voyait ou entendait personnellement les choses. Il ne devait pas hésiter à prendre le temps de se remémorer des situations de jeu.

Les principales questions ont été les suivantes :

Les principales relances étaient organisées autour des différentes situations de tirs. L’analyse des retranscriptions des interviewés a été réalisée à partir d’une étude qualitative par catégorisation thématique (Bardin, 1977). Comme il a été mentionné ci-dessus, les catégories sont les quatre mises en avant par Paolini et Portes (1990) dans la gestion de l’activité perceptive et décisionnelle du gardien de but :

Pour effectuer la sélection parmi les réponses des joueurs, nous avons considéré que chaque apport de la part des interviewés, dans la mesure où il n’était pas contradictoire avec les propos des autres joueurs, mentionnait un élément intéressant dans l’identification des savoirs d’expert. Ils ont donc été retenus quel que soit le nombre de personnes qui les ont rapportés. Lorsque des éléments contradictoires apparaissent, ils sont discutés.

De plus, les données recueillies seront complétées par les écrits de deux gardiens étrangers (A.Thiel et S. Hecker, tous deux internationaux allemands.)

2.2. Résultats des entretiens

2.2.1. Indices préalablement mémorisés

Il s’agit d’informations recueillies avant le match sur les tireurs adverses. Comment s’effectue ce recueil de données ? Quels sont les principaux indicateurs sur les quels se focalisent les gardiens de buts ?

Le gardien de but porte son attention, à partir de cassettes vidéos récentes, sur les joueurs à fréquence de tirs élevée. Il repère, pour chacun d’eux leurs formes de tirs, la relation entre leurs courses d’engagement et l’impact de leurs tirs, et sur un plan plus collectif les combinaisons des adversaires en supériorité numérique.

Lorsque le gardien rencontre un tireur pour la première fois, il tente, par des caractéristiques comportementales de l’associer à un tireur connu. Ceci rejoint les travaux de Garbarino (1997), où le sujet tend à assimiler des éléments inconnus de l’environnement à une seule situation schématique et typique. En plus de ces connaissances spécifiques à telle ou telle rencontre, les gardiens de but possèdent une base de connaissances étendue, diversifiée et structurée. Leurs actions sont en étroite relation avec des connaissances préalablement acquises et disponibles. Celle-ci constituent à la fois le soubassement de leurs actions et une mémoire émanant de ces mêmes actions.

Le tableau n°2 présente ces connaissances, stockées dans la mémoire à long terme des gardiens de but pour leur permettre de rendre les situations rencontrées plus signifiantes.

Prise en compte des contraintes spatio-temporelles du tireur :

    • le tireur a du temps, il va pouvoir observer :

le gardien ne se livre pas, ou donne de fausse informations.

    • le tireur n’a pas de temps et n’a pas d’espace :

le gardien couvre le plus de surface possible, ferme les angles et les accès proches de lui.

    • le tireur n’a pas de temps et a de l’espace:

le gardien doit attaquer le tireur pour "l’étouffer".

Le tir d’arrière :

Indicateurs : course d’engagement et ligne des épaules.

    • Course d’engagement importante et vers l’intérieur = tir croisé ;
    • Ligne d’épaules inclinée avec coté bras porteur surélevé = tir croisé.

Le tir d’aile :

Indicateurs : Positions relatives du buste et du bras porteur.

    • buste désaxé côté opposé au bras de tir = tir premier poteau ;
    • buste à peu près droit et bras porteur, à la fin de l’armé, placé nettement derrière la tête ou loin du corps = tir second poteau.
    • Pour les tirs à effets, pendant la suspension, le bras, relâché, reste bas, le dos de la main est orienté vers le gardien.

Le tir de pivot :

Indicateurs : Hauteur du ballon, pression défensive, position par rapport à la cible.

    • La hauteur du ballon est proportionnelle à la hauteur de l’impact du tir ;
    • Quand la pression défensive est ne laisse pas de temps au tireur pour s’informer après sa prise de balle dos à la cible, le gardien avance au maximum pour fermer l’angle ;
    • Lorsque la position du tireur est excentrée, côté bras du tir, l’impact préférentiel est le premier poteau.

Logique externe (le temps) :

    • début de match : les tireurs ont leur impact préféré.
    • Fin de rencontre (fatigue, enjeu important) : le tireur retrouve ses habitudes, ses savoir-faire préférés.

Tableau n°2: Connaissances stockées dans la Mémoire à Long Terme

Pour les jets de sept mètres, les joueurs n’ont pas parlé d’indices visuels particuliers. Sans doute pour la raison où dans cette situation les tireurs sont capables de placer le ballon à n’importe quel endroit de la cible et très tard dans l’exécution du jet. Les gardiens se sont davantage exprimés sur les procédures qu’ils mettaient en œuvre. Deux stratégies ont été exprimées :

Pour les uns, il s’agit de créer des contre-informations pour amener le tireur à lancer le ballon dans un espace qui sera occupé. D’autres effectuent une préparation totale concrétisée par un choix a priori d’un type de parade parmi celles que le gardien dispose dans cette situation. (Ceci semble contredire en partie les travaux de Deridder, 1985).

2.2.2. Indices recueillis par la voie extéroceptive

2.2.2.1. Présentation

Il s’agit ici de recueillir des informations dans l’environnement sur l'état des possibilités encore ouvertes de l'ensemble " Tireur - Ballon " (Informations sur le système " Tireur - Ballon ", et coordinations avec les défenseurs).

Il ne faut surtout pas perdre de vue que dans un duel, comme celui du tireur avec un gardien de but, les deux acteurs donnent des informations à l’autre. Le problème pour l’un comme pour l’autre est de déterminer dans un premier temps celles qui sont significatives. Mais cela ne suffit pas. Une fois ceci réalisé, il convient de pouvoir répondre aux questions suivantes :

- que sait le tireur de ce que connaît le gardien ?

- que connaît le gardien que sait également le tireur ?

Cette démarche va permettre notamment au gardien de but d’avoir au moins deux intentions de jeu : Dans la première, il considère que le tireur ne sait pas ce que le gardien a perçu, et par conséquent toutes les stratégies du gardien de but vont s’avérer pertinentes dans l’intention tout au moins. Dans la deuxième intention, le tireur sait ce que le gardien connaît et par conséquent le jeu va devenir beaucoup plus complexe dans les intentions de jeu. Tout ce qui sera mentionné par la suite devra être relativisée à partir de ce fonctionnement interactif.

Dans tous les cas cependant, les informations sur le système tireur-ballon ne peuvent être exploitables que dans la mesure où le gardien connaît parfaitement sa position vis à vis de la cage à défendre. Le premier travail consiste à se repérer, se situer par rapport à une cible située dans son dos et par conséquent que l'on ne voit pas. Ceci est également essentiel pour permettre au gardien de se mettre à la place du tireur pour savoir les informations qu’il lui donne.

2.2.2.2. Informations sur le système tireur-ballon et prise de décision

2.2.2.2.1. L‘enchaînement des indicateurs visuels

L’ensemble des gardiens de buts indiquent que les principaux indicateurs visuels se situent au niveau du segment porteur de balle (ligne d’épaules, bras, coude, poignet, ballon). Ils les mettent en relation avec la vitesse latérale du tireur et son inclinaison par rapport à la verticale.

2.2.2.2.2. les stratégies

Les propos des interviewés rejoignent ceux cités supra par Costantini. En effet, les gardiens de but mettent clairement en évidence que sur les tirs de près, lorsque le tireur a du temps, un dialogue va pouvoir s’installer avec le tireur. Ce dialogue nécessite pour chacun des protagonistes de se mettre à la place de l’autre afin d’envisager ses intentions. Par contre, sur les tirs de loin ou lorsque le tireur n’a pas de temps pour prendre des informations sur le gardien de but, celui-ci va davantage programmer son action à partir d’informations prises uniquement sur le tireur et ses défenseurs.

2.2.2.3. Collaboration avec les défenseurs

2.2.2.3.1. Le Contre

Le défenseur qui effectue le contre a pour objectif d’empêcher le ballon d’atteindre une partie de la cage défendue par le gardien. Ceci entraîne pour ce dernier une diminution de l’incertitude spatiale relative au tir. Nous allons étudier ici le fonctionnement du contre avec le gardien de but.

Le Contre

Indicateurs :

Type de défenses. Latéralité du tireur

Type de défenses :

Dans une défense aplatie, interdire les tirs plein centre.

Latéralité du tireur :

Les contreurs se positionnent côté bras du tir.

Tableau n°3 : Le Contre

Des modalités discutables ont été relevées :

La première est relative a une répartition erronée des tâches du gardien de but et des défenseurs au contre. Il est quelque peu étonnant de constater que cette collaboration de base, ne soit pas encore assimilée au plus haut niveau français. Pour une explication de cette répartition se référer à Thiel et Hecker (1993).

La deuxième est relative a une répartition figée des tâches du gardien de but et des défenseurs au contre. En effet, (A.S.) indique attendre de ses défenseurs qu‘

"ils contrent les trajectoires de balles destinées vers telles zones de la cage, qu'ils se fixent un côté et s'y tiennent jusqu'au bout. Je me place à l'opposé et ainsi tout le but est protégé. Quelque soit le tireur, chacun choisit son côté. On voit ainsi tout de suite qui est responsable".

Cette répartition peut apparaître rassurante car d'une part, "tout le but est protégé", d'autre part "on voit ainsi tout de suite qui est responsable". Cependant, l'objectif premier n'est pas de déterminer qui est le fautif, le coupable ou le responsable de l'encaissement du tir. L'objectif est bien de faire en sorte que le but ne soit pas inscrit. Et seul le gardien peut se rendre pleinement compte des possibilités encore ouverte par le système " tireur-ballon ". De plus, Crozier et Friedberg (1977) mentionnent que le sujet, en tant qu’acteur, n‘est jamais totalement contraint par une situation organisationnelle donnée et qu’il garde toujours une certaine liberté d‘action. Le gardien seul peut se rendre compte et agir s'il perçoit que l'arrière est au dessus du contre, si le contre n'est pas suffisamment compact, bref si quelques failles ne sont pas apparues dans la muraille initialement prévue. Ainsi, à partir des indices recueillis dans les contraintes extrêmement fortes de la situation réelle du match, le gardien de but en tant qu'acteur doit garder la liberté de respecter le système prévu ou en sortir parce que dans un souci d’efficacité, la lecture qu’il fait de la situation le lui impose.

2.2.2.3.2. Contact défenseur-tireur

Les gardiens de but ont deux attentes particulières envers leurs défenseurs lorsqu’ils se retrouvent soit en situation de poursuite (contre-attaque), soit en position latérale par rapport au tireur. Il s’agit en effet :

- d’éviter tout contact latéral dans la phase de suspension du tireur afin de ne pas modifier sa trajectoire au dernier moment.

- d’empêcher le tireur de prendre une impulsion vers l’intérieur de l’aire de jeu.

L’observation d’A. Lavrov (gardien emblématique de l’ancienne équipe d’U.R.S.S., et de l’actuelle Russie) considéré comme un des meilleurs gardiens du monde, face à une situation de contre-attaque met en évidence une procédure très claire à partir de cette consigne :

Il demande au joueur qui effectue le repli défensif d’empêcher le porteur de balle de venir vers le centre et d’avoir une impulsion vers l’intérieur et ce en respectant ce qui vient d’être dit par les gardiens. Il s’agit donc qu’un droitier reste dans la partie gauche du terrain et que son impulsion soit la moins intérieure possible.

A partir de là, Lavrov bloque le côté du bras du tir (deuxième poteau) et se déplace progressivement au fur et à mesure de la suspension du tireur vers le premier poteau qui devient de moins en moins ouvert.

2.2.3. Indices produit par l'ensemble "gardien-cible"

Il s’agit des informations produites par la représentation que se fait le gardien de sa propre position par rapport à la cage et à l’ensemble tireur-ballon. Le gardien se met en quelque sorte à la place du tireur afin de déterminer les informations qu’il lui donne.

Portes (1996) mentionne l’importance, dans le cadre de la formation du joueur, d’ exclure toute perspective de spécialisation , à quelque poste que ce soit. Le fait de faire vivre aux enfants des expériences au poste de gardien de but les place dans des conditions de spectateurs privilégiés des oppositions attaquants-défenseurs. Ainsi, ils sont mieux à même de saisir les difficultés, les exigences du jeu défensif. D’autre part, en pratiquant le rôle de gardien de but, les enfants sont amenés à créer des difficultés, des obstacles au tireur. Leur formation à la marque en est par conséquent complétée.

Si la démarche de passer au rôle de gardien de but est favorable pour le joueur de champ, réciproquement, le gardien de but devrait tirer profit de ses expériences de tireurs. Ceci, dans la mesure où il va pouvoir se construire une représentation de l’état de l'ensemble "gardien-cible" vu par le tireur. Il aura alors la possibilité de savoir quelles informations il est susceptible de donner au tireur.

Si la majorité des interviewés ont une expérience de joueur de champ, celle-ci est fort différente en fonction des gardiens de but, et certains d’entre eux n’en ont quasiment pas.

Cependant, l’un d’entre eux à développer sur la base de ces indices un fonctionnement très intéressant. Il indique avoir construit un placement très précis par rapport à sa cage et aux différentes courses et positions du tireur. Cela lui permet de se fier principalement à son placement, c’est à dire aux informations qu’il donne au tireur. A partir de certaines positions qu’il a réussi à automatiser et qu’il connaît donc précisément, il va pouvoir rentrer dans la phase de dialogue avec le tireur avec un temps d’avance.

Cette démarche rejoint celle, présentée plus haut, chez les pilotes de combat.

2.2.4. Indices recueillis par la voie proprioceptive

Il s’agit d’informations sur ses propres possibilités d’actions, de déplacements de tels ou tels segments.

Rien de très précis n’a pu être retenu dans cette dimension de l’activité perceptive. Est-ce dû à une gestion peu rigoureuse des entretiens, ou à un déficit de nos gardiens de buts dans ce domaine? Sans doute un peu des deux. Il est à noter également que ces informations de type proprioceptif ne sont pas très faciles à exprimer. Un complément d’étude dans ce domaine s’impose.

Conclusion.

Deux aspects essentiels ont été relevés suite à ce travail. Le premier est relatif à la mise en évidence d’indicateurs visuels (extraits de l’activité du tireur) permettant de rendre signifiante l’activité du tireur. Dans ce cadre, les savoirs des gardiens de buts français experts sont principalement articulés autour de deux grandes sources d’indices perceptifs (ceux préalablement mémorisés sur les tendances, points forts et faibles du tireur et les résultats des duels précédents, et ceux recueillis par la voie extéroceptive sur l'état et les possibilités encore ouvertes de l'ensemble "Tireur - Ballon"). Le deuxième est davantage centré sur les procédures mises en jeu par le gardien (collaboration avec les défenseurs, positionnements très précis et spécifiques à telle catégorie de tirs) pour amener le tireur à lancer le ballon dans une partie bien précise de la cible. Cette stratégie d’orientation de la réponse du tireur se réalise spécifiquement lorsque la situation donne le temps au gardien comme au tireur de prendre et/ou de donner des informations sur/à son adversaire. Ici, le gardien de but utilise des informations produites par la représentation que se fait le gardien de sa propre position par rapport à la cage et à l’ensemble tireur-ballon. Le gardien se met en quelque sorte à la place du tireur afin de déterminer les informations qu’il lui donne.

C’est pourquoi, nous pouvons préciser que les gardiens de but gèrent leurs actions à la fois par des processus réactifs et prédictifs.

Il est temps maintenant de revenir à notre préoccupation première : le processus enseignement-apprentissage. Pour Avanzini, (1988) un apprentissage s’effectue lorsque le sujet prend des informations dans l’environnement en fonction d’un projet personnel. C’est donc à la fois sur les informations signifiantes dans l’activité du tireur qu’il est nécessaire de focaliser l’attention des gardiens en formation, mais aussi sur leurs procédures, c’est à dire leurs projets, pour mettre en adéquation ces deux éléments. C’est pourquoi ce travail apparaît nécessaire avant l’élaboration de contenus d’enseignement. Pour ces derniers, nous proposons aux formateurs deux axes de formation :

- Faire construire au joueur sa base de connaissance lui permettant de rendre signifiante l’activité du tireur. Ceci nécessite trois phases non hiérarchiques. La première est relative à la mise en situation de tirs dans des configurations spécifiques où le gardien va, en acte, mettre en relation les informations extraites de l’activité du tireur et l’impact du ballon. Cette mise en relation est orientée par le formateur qui soit focalise l’attention du gardien sur les indicateurs visuels appropriés, soit le prévient des conditions externes particulièrement fortes. D’autre part il est important que le gardien entreprenne la démarche de repérer pour chaque joueur ses impacts privilégiés en fonction de sa course d’engagement. Enfin, la collaboration avec les défenseurs et la coordination de leurs actions de jeu sur la base des éléments présentés doit faire l’objet d’une attention particulière, d’autant plus que les connaissances de certains apparaissent, même à ce niveau de performance, comme quelque peu approximatives, et trop systématiques. En effet, les gardiens de but français interviewés semblent posséder un fonctionnement qui fait choisir au tireur la surface du but la plus facile à atteindre sans se préoccuper du processus d’échanges mutuels d’informations.

- Faire construire au joueur des repères lui permettant, en fonction de ses propres caractéristiques morphologiques, d’orienter le tireur à envoyer le ballon dans une zone voulue par le gardien. Ceci nécessite de la part du gardien de but de pouvoir faire deux choses. D’une part, se situer par rapport à la cible qui est dans son dos, en fonction de la position du segment porteur de balle et non du corps du tireur dans son ensemble. D’autre part envisager à la place du tireur les espaces laissés libres et les plus susceptibles d’être exploités par celui-ci pour pouvoir s’y opposer.

 

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